Vernier: accusé de laxisme le conseiller administratif se défend

Incendies, déprédations et plus récemment attaques de bus à coups de pierres, Vernier, à l’instar d’autres communes genevoises, est- elle condamnée à subir des accès de violence d’une délinquance protéiforme? Les réponses de Martin Staub qui se défend d’être enferré dans un dogmatisme coupable.

"Ouvrir des postes, y placer des agents soit. Et après? Il n’y a aucun intérêt pour les habitants"

A Vernier, des habitants et des élus s’insurgent contre leurs autorités jugées trop laxistes. Ils réclament des mesures fortes comme l’installation d’un poste de police au sein du Lignon et des caméras de surveillance dans les quartiers sensibles pour confondre les auteurs de délits et d’actes de vandalisme. Sous le feu des critiques de celles et ceux qui appellent à un tour de vis, le conseiller administratif socialiste, Martin Staub se défend d’être enferré dans un dogmatisme coupable. Interview sans concession.

GHI: Les incendies à répétition, les actes de vandalisme et plus globalement la hausse notoire des interventions de la police cantonale dans les quartiers comme Le Lignon, Les Avanchets ou encore Les Libellules, ne donnent-ils pas raison à vos opposants politiques qui demandent des mesures musclées?
Martin Staub: En préambule, je crois utile de casser 
le schéma simpliste qui voudrait que seule la droite soit apte à lutter efficacement contre la délinquance et que la gauche en minimise l’ampleur et l’impact. Dès lors, j’affirme haut et fort que les auteurs des jets de pierres sur les bus des Transports publics genevois (tpg) doivent être sévèrement punis. Mon soutien va aux victimes de 
ces actes. Je considère que la droite qui refuse, au Grand conseil et au conseil municipal de Vernier, d’accorder les moyens nécessaires à l’éducation, à la prévention et à 
la répression, est démissionnaire et laxiste.

Concernant les attaques des bus, savez-vous si la police est sur une piste? En qualité d’élu, vous êtes évidemment informé?
En aucun cas. Dans cette affaire, l’entreprise de transport a déposé plainte et le Ministère public a été saisi. Dès lors, la police n’a pas le droit de communiquer sur l’affaire, même si nous collaborons quotidiennement et efficacement. Ce qui est d’autant plus vrai s’agissant du Tribunal des mineurs qui à Genève est complètement verrouillé contrairement au canton de Vaud qui communique sur les affaires sans que cela porte atteinte aux mineurs. Je regrette que nos institutions soient muettes. Cela ne rend pas hommage au travail que font tant la police que la justice. Et puis, la population serait, elle, sans aucun doute rassurée de savoir que les auteurs sont sanctionnés.

Diriez-vous, comme certains conseillers municipaux de Vernier, qu’une poignée d’individus plutôt jeunes, commettent la plupart 
des actes répréhensibles? Si oui, n’est-il pas surprenant que les autorités ne parviennent pas à les mettre hors d’état de nuire?
Certes. Il s’agit bien d’une minorité. Mais ces groupuscules ne sont pas stables. Ils se forment dans un quartier, se désagrègent, se reconstituent ailleurs. Et ce ne sont pas toujours des personnes qui résident dans la commune. Les messageries instantanées favorisent les rassemblements.

Il n’empêche que l’on ne peut pas parler d’ensauvagement à Genève. La police est respectée. Qu’est-ce qui vous empêche d’ouvrir des postes de police municipale dans les quartiers à forte densité de population?
Ouvrir des postes, y placer des agents soit. Et après? Il n’y a aucun intérêt pour les habitants. Ces représentants de l’ordre n’ont pas la compétence de recueillir 
les plaintes pénales. Et pour la lutte contre la délinquance, je les crois plus utiles sur le terrain. C’est pour cela que nous avons opté pour la création d’un poste mobile qui va se mettre de faction au gré des tensions relevées dans tel ou tel autre quartier. L’organisation du service a aussi été revue afin de permettre aux policiers d’être plus nombreux à effectuer des patrouilles pédestres. Enfin, nous avons constitué un véritable réseau regroupant les travailleurs sociaux et les correspondants de nuit pour s’attaquer aux causes de la délinquance et pas seulement aux conséquences. Mais ces mesures prennent du temps à produire des effets et je comprends la frustration des habitants. Toutefois, je refuse de faire croire que des actions trompeuses peuvent régler les problèmes d’un claquement de doigts, ce serait ajouter des faux espoirs à la frustration. Autant dire un cocktail dangereux.

Vernier serait donc une ville paisible?
Je ne dirais pas cela même si le diagnostic local de sécurité (DLS), qui présente les tendances de sécurité publique dans le canton, nous est favorable. La petite et moyenne criminalité poursuit sa tendance à la baisse amorcée en 2007. En 2022, on enregistrait 325 actes délictueux contre 652 en 2007. Ces résultats sont encourageants mais nous ne baissons pas la garde. Cela requiert d’importants moyens.

Vernier a-t-elle des ressources suffisantes?
Notre ville, comme plusieurs communes de la rive droite, a hérité du choix fait dans les années 1950: implanter de nombreux logements sociaux. Si cela crée de magnifiques histoires et dynamiques de quartiers, nous sommes aussi face à des défis économiques et sociaux. Nous engageons d’imposants efforts pour cette population. Or, lorsque la situation financière de ces habitants s’améliore, ils doivent quitter les lieux car ils ne répondent plus aux critères d’attribution d’appartement social. D’autres personnes vont s’y installer et nous devrons déployer de nouveaux moyens. Cette diversité est enrichissante mais elle a un coût. C’est pour cela que je me suis particulièrement battu afin d’obtenir – par le jeu de la péréquation intercommunale – une enveloppe plus conséquente soit 14,5 millions de francs.

Quelles sont vos inquiétudes face à la jeune population?
Je suis particulièrement inquiet face à la montée de la délinquance juvénile. Un phénomène qui touche l’ensemble de la Suisse et auquel Genève n’échappe pas.

Que font les décideurs face à ce constat ? On ne peut pas juste observer les statistiques et laisser faire? 
Nous allons activer une structure qui inclut la police cantonale, le Département de l’instruction publique, la Fondation genevoise de l’animation socio-culturelle et les communes pour analyser et trouver la bonne riposte au phénomène.

Face à cette amplification de 
la délinquance chez les jeunes, on s’interroge sur la place des parents? Où sont-ils ? Assiste-t-on à une crise d’autorité? Les parents sont-ils soumis à des conditions de vie difficiles qui les empêchent d’assumer leur rôle (parent seul qui travaille durement)?
Nous essayons de soutenir les familles sur le plan éducationnel. Nous accueillons les enfants, issus de milieux très modestes, dans 
les crèches à un prix très abordable. Nous aidons aussi les parents, en particulier ceux qui se sont récemment installés en Suisse, afin qu’ils puissent accompagner leurs enfants dans le système scolaire et échanger avec les enseignants. Il n’en demeure pas moins que tous 
les parents doivent assumer 
leurs responsabilités.