Et si les communes genevoises faisaient enfin pot commun?

Si certaines municipalités ont amorcé le virage de l’intercommunalité, la fusion reste tabou. Pourtant, les rapprochements permettent d'accélérer la mutualisation des infrastructures et des services, de réaliser des économies d’échelle et de gagner en efficacité.

  • La fusion se heurte au sentiment d’appartenance revendiqué par les habitants des communes.123RF

"L’intercommunalité reste avant tout un choix pour la Municipalité concernée, lequel relève de sa plus stricte autonomie"
Karine Bruchez, présidente de l’Association des communes genevoises.

5 communes sur un territoire qui couvre 246 km² (sans le lac). le canton de Genève ne doit-il pas accélérer l’intercommunalité. En clair, développer ses infrastructures et ses services à l’échelle de communautés de communes? Ce d’autant que certaines municipalités partagent déjà la facture. Comme Collonge-Bellerive et ses voisines qui font «cause commune» pour le service social, l’Etat civil, la police municipale et les crèches. Ou encore Bardonnex qui travaille en bonne intelligence avec ses homologues du pied du Salève pour endiguer les problèmes de mobilité liés au transit transfrontalier. Si depuis une dizaine d’années, les maires, sur l’air de l’union fait la force, amorcent des rapprochements. Peuvent-elles mieux faire?  «Oui!». C’est ce que postule Philippe Schwarm, maire de Pregny-Chambésy. Pour ce partisan de l’intercommunalité – qui a lui même incité au partage d’équipements et de prestations avec Genthod, Collex-Bossy et et Bellevue – il y a un pas à franchir. «Mettre des exécutifs autour d’une table et d’un projet prépondérant et déterminer une clef de répartition des coûts.»
L’élu affirme même que si la fusion de communes se heurte à l’attachement identitaire des habitants, elle ne résiste pas aux multitudes d’avantages qui pourraient en découler. «Multiplier les exécutifs et les différents services y afférents dans des petites bourgades correspond-il à une nécessité? N’y a-t-il pas à gagner en rassemblant ces gouvernances sans que les petites communes impactées ne perdent leur nom, leurs armoiries, leur drapeau, leur histoire?» Car c’est bien là que le bât blesse. Les premiers élus de Russin et de Dardagny – prêts à convoler en justes noces communales – le savent. Unir leur destin pour additionner les deux budgets, le jeu en vaut la chandelle. Mais ni les Russinois ni les Dardagnottes ne veulent renoncer à leur étendard.
Et entre Chêne-Bourg et Thônex, que des élus aimeraient aussi unir? Si les autorités municipales reconnaissent un «destin lié entre les deux communes», elles n’envisagent pour l’heure pas de passer le cap. «Cela ne correspond actuellement pas au souhait des différentes autorités», assure Béatriz de Candolle, maire de Chêne-Bourg.
Qui pourrait donner l’impulsion?
Alors qui pourrait donner l’impulsion, le Canton via le Département de tutelleà savoir celui de l’ancienne maire d’Onex, Carole-Anne Kast  (voir encadré)? Pas dit. La magistrate ne peut faire fi de l’autonomie communale. Comme le relève d’ailleurs Karine Bruchez, présidente de l’Association des communes genevoises. «L’intercommunalité reste avant tout un choix pour la Municipalité concernée, lequel relève de sa plus stricte autonomie. La mise en commun de moyens par différentes communes doit être examinée au cas par cas, en fonction de la prestation à fournir ou de l’infrastructure à réaliser, de sa localisation, du public visé, des moyens à disposition.» Egalement maire d’Hermance, elle est convaincue que sans mise en commun des ressources «de nombreuses infrastructures existantes et d’importantes prestations dans nos communes n’auraient certainement pas pu voir le jour. En effet, le partage des coûts est souvent une condition impérative pour des communes qui n’ont pas la taille critique pour assumer seules la délivrance de certaines prestations à leur population. Des freins car le fait de devoir prendre des décisions à plusieurs complique parfois la situation. Cela n’a pas empêché l’émergence d’entités intercommunales comme le parascolaire (GIAP), les pompiers professionnels (groupement SIS) ou encore le service informatique des communes (SIACG), qui ont toutes été des réussites.»
Du côté de l’Union des villes genevoises (UVG), qui défend les intérêts des huit plus grandes municipalités du canton, on estime qu’essentielle, la problématique de la fusion mérite donc d’être posée. Comme le souligne sa présidente Maryam Yunus Ebener: «La fusion ou la mutualisation favoriserait le décloisonnement. Ainsi par exemple, la mise en commun de la voirie et de la police municipale, dès lors plus imposantes en taille, élargirait les possibilités d’action. Cela permettrait aussi de repenser, supprimer, dans certains cas, des doublons les procédures administratives. Surtout quand il s’agit de deux communes de tailles très différentes.»
Identité préservée
Toutefois, celle qui est également présidente des Verts genevois reconnaît que ces changements ne peuvent se faire d’un claquement de doigts.  «C’est un énorme chantier, qui doit impérativement s’inscrire dans le temps long afin de permettre à la population de discuter pour comprendre les différents enjeux. Il s’agit d’expliquer et de convaincre que l’identité n’est en rien menacée: en cas de fusion, les différentes localités conserveraient leurs noms, leurs spécificités et leur caractère. Il s’agit avant tout d’une question administrative», résume Maryam Yunus Ebener. Et d’ajouter que dans un canton particulièrement compact, une redistribution des cartes aiderait à un meilleur équilibre. Soit on divise la Ville de Genève en plus petites entités, soit on se tourne vers la fusion de certaines communes.»

Le Canton reste ouvert aux alliances

TR • De son côté, la Magistrate cantonale en charge des institutions et du numérique, Carole-Anne Kast, dit voir d'un bon œil les projets de mutualisation des ressources des communes genevoises. Pour l’élue, celles-ci revendiquent, à juste titre, plus de compétences car elles figurent parmi celles qui en ont le moins en Suisse. «Effectivement, un des moyens de pouvoir en assumer plus est d'avoir une taille critique ou de développer des collaborations intercommunales. Celles-ci peuvent aller de «petites délégations de tâches», comme la gestion d’un parking, jusqu’aux groupements intercommunaux régionaux permettant d'offrir des prestations, par exemple en matière de politique familiale (comme l'accueil familial de jour Rhône Sud composé de Bernex, Confignon, Lancy et Onex) ou à l'échelle de la quasi intégralité du canton avec le groupement intercommunal de défense incendie créé en 2022», détaille la magistrate.
Le Canton rappelle toutefois qu’en ce qui concerne les fusions de communes, ces décisions relèvent de l'autonomie communale et peuvent effectivement impacter l'identité des «citoyen-ne-s». Au-delà de la loi qui le permet, le Canton n'a pas mis en place de dispositif incitatif mais il reste ouvert si des communes souhaitent un accompagnement dans de telles démarches.