Un aqueduc romain découvert aux Eaux-Vives

ARCHÉOLOGIE • Des ouvriers sont tombés sur un vestige historique, à deux pas de la gare des Eaux-Vives. Il permettait autrefois d’acheminer l’eau jusqu’à Genève.

  • Les vestiges découverts à Malagnou illustrent la manière dont Genève était approvisionnée en eau potable il y a quelque deux mille ans, grâce au génie civil romain. TR

Un aqueduc romain de 11 km de long, comprenant plusieurs ramifications et caché sous nos pieds depuis des siècles. Voilà l’étonnante découverte réalisée le 15 février dernier en marge d’un chantier situé entre l’avenue de l’Amandolier et la promenade Charles-Martin, aux Eaux-Vives. Une fois les villas démolies, les ouvriers ont en effet mis au jour un véritable trésor archéologique abandonné.
«Il est apparu dans le cadre de travaux de démolition surveillés par le Service d’archéologie du canton de Genève, qui avait signalé sa possible présence aux responsables du chantier. Ce dernier se trouve en effet dans le prolongement d’un tronçon d’aqueduc trouvé en 1942 et étudié par Louis Blondel, le premier archéologue cantonal», détaille l’actuel archéologue cantonal, Nathan Badoud.
Alimenter Genève en eau
De quoi s’agit-il? Concrètement, les fouilles ont fait apparaître un ancien morceau, sans doute un rameau secondaire, de cette construction qui permettait d’alimenter la cité genevoise en eau en la reliant à Cranves et aux Voirons (F). «En exploitant une source de montagne, on évitait l’étendue stagnante du Léman tout en bénéficiant d’une différence d’altitude qui facilitait la distribution d’eau dans la ville. La construction de l’aqueduc principal remonte probablement aux premières décennies du Ier siècle apr. J.-C., mais nous ne disposons pour l’heure d’aucun indice nous permettant de dater le rameau mis au jour aux abords de la promenade Charles-Martin», précise Nathan Badoud. Par chance, l’ouvrage est particulièrement bien conservé. En plus d’un canal construit avec des blocs de tuf (roche), l’ouvrage possède un toit en voûte recouvert d’une épaisse chappe de mortier, qui servait à l’étanchéifier. D’après l’archéologue cantonal, l’édifice était probablement enterré dans l’Antiquité: «Il semble aujourd’hui ne pas avoir de fond: soit le radier (fondation) a entièrement disparu, soit il n’a jamais existé».
De quoi pousser les autorités à réaliser des analyses sédimentaires, afin de mieux comprendre la structure de l’aqueduc, mais aussi du mortier, dont les composants pourraient permettre de dater l’ouvrage. «La découverte à Malagnou présente un intérêt historique certain. Il s’agit cependant d’une construction linéaire, dont d’autres segments ont été et seront probablement découverts à l’avenir. Une fois étudiés, les vestiges de Malagnou seront à nouveau enfouis, ce qui est la manière la plus sûre et la plus économique de les protéger. En cas de découverte d’une autre partie de l’aqueduc dans un secteur menacé par les travaux d’aménagement, un prélèvement des vestiges pourra être envisagé», éclaire Nathan Badoud.
Reprendre l'étude
Sur place, deux ouvriers, sous la conduite d’un archéologue, s’affairent à dégager la structure de terre. «Notre génération n’avait pas encore pu observer l’aqueduc de Genève. Elle a l’opportunité de reprendre l’étude de l’ouvrage avec les moyens d’investigation du XXIe siècle, pour en reconstituer l’histoire. Nous espérons en particulier pouvoir en préciser la chronologie, objet de conjectures depuis le XIXe siècle», éclaire l’architecte cantonal.