Et si Genève devenait une ville balnéaire?

La Ville veut exploiter davantage le lac favorisant ainsi 
son économie. Et le Rhône? Le Conseil municipal étudie un projet d’aménagement de ses berges. Petite immersion dans l’histoire des bains.

Le Léman, Le Rhône, des rivières à géométrie variable: la cité de Calvin a toutes les cartes en main pour entrer dans le bal des «villes balnéaires» La délégation à l’économie de la Ville de Genève ne s’y trompe pas qui propose de développer les accès aux points d’eau. Mardi dernier, les conseillères administratives Marie Barbey-Chappuis et Frédérique Perler dévoilaient Les marches de Théia, un nouvel espace de baignade au cœur de la ville qui devrait sortir des eaux en 2028. Ce nouveau souffle sur la ville du bout du lac, que saluent les acteurs du tourisme, pourrait aussi rafraîchir les Genevois, confrontés à d’interminables enchaînements de dômes de chaleur. 
Quand la magistrate, Marie Barbey-Chappuis, détaille la première stratégie économique de la Ville, elle évoque opportunément le lac qui pourrait faire de Genève, une véritable cité balnéaire. «La Rade est le plus bel atout de Genève. Mais son potentiel est encore loin d’être réalisé.

Le défi réside dans notre capacité à concilier les enjeux patrimoniaux de ce site d'exception avec les usages du 21e siècle souhaités par la population genevoise et les visiteurs de passage. Autrement dit, le besoin de zones de fraîcheur et de baignade».  Alors? C’est bien dans cet esprit que s’inscrit le projet du quai Wilson avec son jardin plage, ses grands gradins en pierre et ses bassins lacustres propices à la détente. Et c’est aussi ce qui a motivé les autorités municipales à mettre en place, en mai dernier, une zone de baignade temporaire le long du même quai Wilson. Un espace qui, en été 2024, sera doté de douches, de casiers et de cabines/vestiaires. Mais encore? Un crédit de 2,1 millions de francs a été déposé au Conseil municipal pour la création de bains flottants au pied du Jet d’eau. Ce projet fait d’ailleurs suite à une motion de Marie Barbey-Chappuis, alors conseillère municipale, initiée en 2020. Car, c’est bien la natation que la Ville veut tout d’abord booster. Une aubaine pour les 32% de fervents nageurs parmi la population genevoise.

Des palmiers?

Genève verra-t-elle émerger ou se multiplier d’autres activités nautiques? Pour la représentante de la délégation à l’économie: «Elles sont plus adaptées à la grande Rade, là où il y a plus d’espace pour les planches à voile et autres paddles. Mais c’est le Canton qui régule ces activités nautiques, notamment pour éviter des collisions avec les bateaux de plaisance ou ceux de la CGN.».
Et des palmiers le long des quais? Non, mais en lieu et place des arbres qui s’adapteront au changement climatique et apporteront de l’ombre nécessaire au bord du lac aussi.

Le lac, perle touristique

Tout le monde s’accorde à dire que le lac représente un atout touristique de taille. C’est même pour lui que les touristes affluent dans le canton. L’Exécutif de la Ville est donc bien déterminé à développer le tourisme de loisirs pour satisfaire à la demande des visiteurs déjà séduits par l’imposante offre d’animations estivales. Et ça marche? Certes, comme nous l’écrivions dans nos éditions du 13 août dernier, l’hôtellerie a enregistré, durant le premier semestre 2023, un record historique de nuitées. Présidente de Genève Tourisme, Sophie Dubuis salue la volonté de la Ville de poursuivre le développement de cet autre pan touristique. Car si Genève attire non seulement les voyageurs d’affaires mais encore les visiteurs qui apprécient les activités lacustres.» Laurent Terlinchamp, qui préside la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève, applaudit cette nouvelle dynamique. «Je suis fondamentalement optimiste et je fais confiance à cette législature qui a la volonté de donner un autre visage à Genève et faire bouger les lignes. Le public veut s’approprier davantage le Léman, les autorités l’ont compris et prennent ce sujet à bras-le-corps .»

Un enjeu pour les entreprises

Sans compter qu’au-delà du bien-être des Genevois et de l’atout touristique, l’environnement et le cadre de vie constituent des enjeux économiques. «Plusieurs études ont montré qu’ils influencent de plus en plus la décision des entreprises quant à leur installation ou non dans une cité»,  assure encore la conseillère administrative. Un levier que la Ville veut également actionner pour attirer des talents.

Si l’avenir d’une Genève balnéaire semble positivement scellé, il faut toutefois veiller à la manière dont les projets se déploient. Darius Azarpay, membre du comité de Projet Genève, une association en faveur du développement des animations sportives, économiques et culturelles dans le canton, aspire à une vision plus large et concertée entre les différents acteurs privés et publics. «On peut s’étonner que le Canton ait récemment interdit la pratique du ski nautique dans la Rade. A mon sens, les moyens ne manquent pas pour faire cohabiter cette discipline avec la mise en place de lieux de baignade.» Le député suppléant au Grand Conseil le dit d’ailleurs sans ambages: «Pour que la Ville se mue en station estivale, il y a maintes choses à faire encore». Comme? «Réaliser de belles constructions pour l’accueil de bistrots et glaciers au bord du lac, multiplier des espaces piétons afin de favoriser le roller et les promenades et booster les activités nautiques au-delà de la natation ».

Et les bateaux

Reste un problème de taille: le chantier naval et les petits ports qui courent le long de la Rade. Comme l’explique Sami Kanaan, président de la délégation à l’économie: «La volonté est de travailler sur le long terme, qu’il s’agisse de la Rade ou de l’accès au Rhône. Les démarches à entreprendre prennent du temps car il faut concilier de nombreux intérêts différents. Et ceci impose en effet des négociations multiples et complexes.» En attendant, le magistrat veut développer les propositions culturelles dans l'espace public, en optimisant notamment le lien avec les institutions culturelles, les musées et les bibliothèques, qui organisent déjà nombre de rendez-vous estivaux dans les parcs de la ville. Une animation populaire qui, selon lui, pourrait aussi passer par un soutien plus grand aux arts de la rue.

 

Des bains à l’envi et des curistes

AG • Aux siècles passés, Genève s’enorgueillissait d’être une véritable cité des bains. Nombreux sur le territoire mais éphémères. Petite plongée historique avec le conservateur à la Bibliothèque de Genève, Nicolas Schaetti. «La Société hydrothérapique de Champel-sur-Arve, plus connue sous le nom de Champel-les-Bains a été créée par l'avocat et promoteur immobilier David Moriaud pour exploiter les eaux de l’Arve à des fins thérapeutiques», explique-t-il. L'établissement, et ses douches chaudes et froides, était établi au pied de la falaise de Champel (aujourd'hui au bout de l'avenue de la Roseraie). L’homme de loi transforma l'ancienne maison de maître du 18e siècle du domaine de Beau-Séjour en hôtel pour accueillir ses visiteurs.  «Et la tour de Champel aménagée en 1877 était une attraction destinée aux curistes. Parmi, ceux-ci, il y avait les écrivains et Guy de Maupasssant et Joseph Conrad ainsi que le compositeur Camille Saint-Saens.» C’est dire, si l’homme d’affaires était créatif. «Genève comptait aussi de nombreux bains, dont celui des Bergues, amarrés au quai des Bergues, rachetés par l’État puis détruits en 1847 dans le cadre du contrôle du niveau du lac», relève encore le conservateur. Sans oublier les Bains du Rhône administrés par la Société anonyme éponyme (1838-1918). Après les bains des Pâquis, ceux du soleil et du lac naquirent aux Eaux-Vives.

 

Rhône: plus de baignades 
et de sécurité

Aménagements des bords du Rhône, si l’intitulé du projet de délibération est sobre, le contenu est prometteur. Actuellement à l’étude au sein de la commission ad hoc du Conseil municipal de la Ville, il vise à sécuriser les baignades dans le fleuve et à harmoniser l’aménagement de ses rives. Comme le relève le PLR, Rémy Burri, qui cosigne le texte: «Il nous est apparu nécessaire et urgent de trouver une solution. Les baignades sont certes interdites en plusieurs lieux mais l’été, les nageurs bravent ces interdits et se mettent en danger.» Dès lors, il s’agirait d’installer des pontons le long des berges ou de les prolonger afin de créer des lieux de baignade. Les élus proposent aussi la création d’infrastructures (douches, casiers pour le stockage des effets personnels). Au-delà, pour les signataires, il est nécessaire de mettre en place des bouées et une surveillance sur la zone afin de prévenir les incivilités. Ce projet, qui requiert un crédit d’études de 3 millions de francs, devrait être enfin coordonné avec les aménagements du parc de la Pointe de la Jonction.