Bouchons à la frontière: les communes suffoquent!

Alors que l'attractivité économique de Genève draine 
un nombre exponentiel de travailleurs frontaliers, les communes franco-genevoises, impactées par 
le trafic, ont mis en place un arsenal de mesures. Canton et Confédération prennent part 
à l’élaboration d’un plan d’action.

  • Chaque jour, 6 à 8000 véhicules de pendulaires traversent Soral

"Le Léman Express, lancé en 2019, est déjà surchargé"

Les communes suffoquent. La faute aux milliers d’automobiles qui, chaque jour, pénètrent dans la cité de Calvin. Les derniers relevés de la statistique fédérale affichent plus de 104’000 travailleurs frontaliers au compteur genevois. Si l’ampleur de cette main-d’œuvre hexagonale constitue le marqueur irrécusable d’une bonne santé économique, elle n’est pas sans impact sur les communes jouxtant le pays voisin. Une fatalité? Non. Pour tenter d’endiguer cette asphyxie quotidienne, les maires élaborent des stratégies ensemble et/ou avec le Canton. Et fait inédit, voilà que la Confédération entre dans le bal. Elle prendra part à la table des discussions.

Tour de piste.
Douane de Bardonnex, 6 heures tapantes. Le trafic des voitures est déjà au ralenti. Et ce n’est que la face immergée de l’iceberg. D’autres véhicules empruntent les douanes de Landecy et Croix-de-Rozon pour échapper aux congestions matinales. Alors? La commune étouffe et s’inquiète. Béatrice Guex-Crosier, maire de Bardonnex a reçu une pétition des habitants de Landecy. «Ils aimeraient que le hameau soit fermé à la circulation afin de sécuriser le chemin de l’école. Je comprends leurs préoccupations mais si je boucle cet accès, les voitures se déverseront sur d’autres petites routes et engendreront les mêmes nuisances.»  La première élue voit pourtant poindre une lueur à l’horizon. Dans quelques semaines, le Département de la santé et des mobilités (DSM), la Confédération et sa commune pourront enfin évoquer l’avenir de la douane de Bardonnex. C’est là que réside pour partie le nœud du problème.
«En ouvrant une voie supplémentaire, la circulation sera plus fluide et les velléités d’utiliser des chemins de traverses, moindres. Et ce n’est pas tout, il sera aussi question d’encourager l’usage des transports collectifs en les rendant compétitifs en termes de rapidité de déplacement. Comment? En sollicitant la Berne fédérale pour qu’elle lève l’interdiction pour les bus et les cars d’utiliser l’autoroute.» En attendant et à l’initiative du Canton, les communes genevoises et françaises  (qui subissent les mêmes atteintes) du pied du Salève vont élaborer de concert un plan d’action.
Environ 7000 véhicules par jour
Soral n’en finit pas non plus d’être sous les feux de la rampe. Chaque jour, environ 7000 véhicules franchissent Soral 1 et Soral 2, deux points d’entrée qui traversent le centre du village. Le maire, Raoul Florez, n’est évidemment pas resté les bras croisés. «Un parking relais a été aménagé à Viry. Là, des navettes conduisent les frontaliers jusqu’à Bernex. Un service de patrouilleurs assure la sécurité des enfants qui se rendent à l’école. Et puis, des feux ont été installés près de la douane afin de dissuader les automobilistes de pénétrer par cet axe.» Et ça marche? «Oui, nous avons pu en évaluer la pertinence. Mais après une diminution et en raison de l’augmentation du nombre d’employés frontaliers, le flux de voitures a repris l’ascenseur», souligne Raoul Florez. Pour l’élu, le combat qu’il mène est aussi celui des municipalités françaises proches. C’est pour cela qu’elles cherchent des solutions franco-genevoises. A l’instar de Viry.
«L’idée, encore à l’état de prospective, serait de revitaliser la gare, de créer un parking de délestage dans son pourtour – nous sommes propriétaires des terrains – afin de soulager les petites douanes en proposant une autre option au «tout voiture» tout en diminuant la pollution. Il faut passer au Léman Express 2.0 en desservant les communes du Genevois. Nous en avons parlé dans le cadre de rencontres avec les autorités communales genevoises», assure le maire, Laurent Chevalier.

Transports collectifs de masse
A un jet de pierres, Perly-Certoux voit, elle aussi, la circulation enfler aux heures de pointe. Sur la route historique reliant Saint-Julien-en-Genevois à Genève via la douane de Perly ruisselle le trafic en provenance des communes et hameaux français. Tandis qu’un peu plus loin, l’autoroute de contournement, notamment à son passage en douane de Bardonnex, est saturée. Le millier d’automobiles qui franchit la douane de Certoux le matin, autre point de pénétration, engendre des nuisances qui ont contraint les autorités à mettre en place des mesures dissuasives. L’idée étant de réguler la cadence afin d’encourager l’utilisation d’autres axes plus adaptés.
«Le pont qui surplombe la rivière à Certoux a été volontairement maintenu dans sa configuration d’origine, soit, étroite, pour ne permettre le passage (dans les deux sens) que d’un seul véhicule. Nous avons aussi aménagé une zone 20 km/h pour sécuriser la portion villageoise et favoriser la mobilité douce»,  explique à son tour le conseiller administratif, Fernand Savigny. Pour lui, le prolongement du tram 15 jusqu’à Saint-Julien-en-Genevois – et dont l’autorisation est aujourd’hui frappée de recours – ne pourra pas tout résoudre. «Il manque des transports collectifs de masse dans cette région du canton, tels que le Léman Express. Mais pour cela, il faut trouver des financements.»  
De l’autre côté, Puplinge subit, elle aussi, le défilé des pendulaires. Comme le relève le maire, Gilles Marti: «Le Léman Express, lancé en 2019, est déjà surchargé, ce qui n’incite guère nos voisins à l’utiliser. Et le second souffle du réseau transfrontalier, on parle de trains à deux étages, ne se fera pas d’un claquement de doigts. Nous avons dès lors édicté plusieurs règles avec un succès inégal. Ainsi, la fermeture au trafic de transit devant l’école n’est pas toujours respectée. Lors d’un contrôle policier, 60 conducteurs ont été verbalisés en deux heures. Les bornes télescopiques, que nous imaginions infranchissables, n’ont pas empêché des véhicules de venir s’y encastrer.» Il aimerait pouvoir installer, à l’instar de l’Italie, des caméras radars qui flashent les contrevenants? Pour l’instant, Berne s’y oppose. Alors, sa commune absorbe 3000 voitures qui percolent dans le village. «Et l’autoroute Machilly-Thonon, validée par nos voisins, va plus que doubler le trafic motorisé», insiste l’édile qui a demandé des mesures d’accompagnement, «absolument obligatoires», au Canton.

 

Le Département des Mobilités à l’action

Si les efforts déjà consentis ont infléchi d’un tiers le trafic aux petites douanes le matin, celles-ci demeurent congestionnées le reste de la journée, relève le Département de la Santé et des Mobilités (DSM) qui prévoit donc de nouvelles mesures.
A court terme?
Pour les petites douanes du sud-ouest du canton, le DSM prévoit la création de «navettes d’entreprise» en partenariat avec les grands employeurs genevois. Il travaille également sur une adaptation des feux de régulation aux douanes, qui devrait limiter le trafic. Dans le cas de la région du Chablais, des mesures comme le développement d’une offre combinée stationnement + abonnements TC dans les parkings en France, via la Fondation des parkings, devrait inciter à ne pas entrer dans le canton avec sa voiture en réglant le problème du stationnement. A Puplinge, il s’agit d’augmenter la capacité du Léman Express, du tram pour Annemasse et de la voie verte.
A moyen terme?
Le prolongement du tram à St-Julien-en-Genevois constituera une étape importante, de même que la réalisation de nouveaux P+R en France et ce, grâce à un partenariat franco-genevois renforcé. Une motion vient d’être largement adoptée (à plus de deux tiers) par des députés du Grand Conseil pour un financement partiel des infrastructures sur le territoire français, ce qui nous laisse penser que l’acceptabilité du projet sera meilleure que lors de la votation de mai 2014. L’amélioration de la desserte entre Annecy-Genève par bus, le développement d’aménagements de mobilité douce et le renforcement de l’offre Léman Express par son extension sur la branche Annemasse-Thonon ainsi que l’amélioration 
des capacités contribueront aussi à désengorger 
les communes frontalières.
A quoi se heurte le DSM?
Dans les secteurs non desservis par le Léman Express, 
le développement de nouvelles offres en transports collectifs et infrastructures est attendu par la population. Il faut donc augmenter les capacités du Léman Express dans un environnement franco-genevois où les décisions ne se prennent pas au même niveau et sont donc très complexes.
Ce plan s’ajoute, pour les petites douanes du sud-Ouest, aux actions telles que notamment: création des lignes 62,63, et 76  (TPG Flex), de 450 places (P+R) en France, de l’incitation au covoiturage par des subventions, de feux de régulation, et de mesures de contraintes en France.