Vague d’abandons d’animaux de compagnie

La Société protectrice des animaux (SPA), a recueilli plus de chiens, de chats et de rongeurs qu’à l’accoutumée. Dans de nombreux cas, les propriétaires n’ont plus de quoi assumer financièrement leurs compagnons à poils. Le refuge appelle à davantage de responsabilité de la part des acquéreurs.

  • En attendant de trouver des nouveaux maîtres, les chiens accueillis passent la journée dans de grands enclos, le plus souvent individuels. STÉPHANE CHOLLET

  • Miloud Krammala, directeur de la SPA. STÉPHANE CHOLLET

Il y a Payko un Shih-Tzu qui «s’entend bien avec les chats mais pas avec les chiens»; Wan-Wan, un Berger allemand «appréciant la solitude», mais aussi Arù, une lapine «très gentille, un poil peureuse et assez propre». Leur point commun? Ces trois animaux sont actuellement hébergés par la Société protectrice des animaux (SPA), à Bernex, laquelle fait face à une inquiétante vague d’abandons d’animaux de compagnie. En mai, l’institution a accueilli près d’une trentaine de chiens, bien plus que les chiffres habituels. Reportage au cœur des aboiements.

Si pour l’heure, le lieu n’est pas en manque de place, pour les responsables, cette situation n’est pas anodine. «Actuellement, la capacité maximum n’est pas atteinte. Mais la place n’est pas extensible», explique Miloud Krammala, directeur de la SPA Genève, qui précise qu’un projet d’agrandissement est envisagé (lire encadré). D’autant que la loi encadre strictement le nombre de pensionnaires autorisés, maximum 120 pour les chiens et une centaine pour les chats. «Aujourd’hui, nous avons environ 70 chiens et 80 chats, ainsi qu’une cinquantaine de lapins. Mais, les mois où il y a le plus d’abandons sont généralement juillet et août», redoute le responsable. Des abandons qui ont souvent lieu la nuit, loin des regards.

«Faire des choix difficiles»

Pourquoi cette recrudescence? Selon Miloud Krammala, elle s’explique avant tout par des raisons économiques. «Un animal, ça coûte à entretenir. Avec l’augmentation des prix, liée à l’inflation, de nombreux propriétaires n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Lorsqu’ils n’ont plus les moyens d’acheter de la nourriture ou des médicaments pour leur animal, ils sont contraints de faire des choix parfois difficiles», indique le directeur.

Face à cette situation, la SPA propose des solutions ponctuelles aux propriétaires dans le besoin. Pour une durée limitée, le refuge peut par exemple fournir de la nourriture et des soins à un animal, afin de lui permettre de rester avec son propriétaire. «C’est toujours triste de voir un chien quitter son maître et se retrouver dans un univers qu’il ne connaît pas, avec de l’agitation, du bruit et des aboiements. Si nous pouvons aider à éviter d’en arriver là, nous le faisons», informe le directeur.

Autre explication avancée: cette hausse des abandons serait également liée à la pandémie et au confinement. «Coincés à la maison, de nombreux Genevois ont pris un chien pour leur tenir compagnie pendant cette période. Aujourd’hui, on est devenu un peu plus libre, on peut repartir en vacances… et le chien il faut bien le laisser quelque part. Résultat: actuellement, on nous amène plein de chiens âgés de deux ans, ce qui coïncide avec la période du Covid 19.»

Commander en ligne

Mais ce n’est pas tout. La SPA recueille également de nombreux animaux commandés sur Internet et qui ne correspondaient pas aux attentes des propriétaires. «Certaines personnes souhaitaient par exemple un petit chien et se retrouvent avec un énorme animal au bout de quelques mois. Par ailleurs, ces animaux manquent souvent de socialisation et ont des problèmes de comportement. Lorsqu’on commande en ligne, on s’expose davantage à ce type de souci», prévient Miloud Krammala. Le directeur appelle à privilégier le contact avec les vendeurs. «Celui qui vend un animal sans poser de questions aux acquéreurs est juste un marchand. Ce n’est pas un éleveur», souligne-t-il.

De son côté, la SPA offre la possibilité au public de venir promener ses pensionnaires. Pendant l’après-midi, plusieurs personnes, essentiellement des couples, se succèdent, tout sourire, à l’accueil avant de prendre le chemin de la forêt avec leur ami à poils du jour. «En plus d’avoir un moment où le chien voit quelqu’un d’autre, cela permet à de potentiels acquéreurs de découvrir une race spécifique et de confirmer qu’ils sont prêts à sauter le pas», détaille Miloud Krammala. Par ailleurs, le centre pose de nombreuses questions aux futurs propriétaires pour s’assurer qu’ils sont en mesure d’offrir des conditions correctes à leur futur compagnon.

C’est précisément le type de considérations qui ont mené Edgar, un habitant de la Servette de 22 ans, à se rendre à l a SPA pour acquérir un «Staffie» (Staffordshire bull-terrier), baptisé Nash. Questionné sur le phénomène des abandons, le jeune homme rassure. «Nous sommes quatre à la maison. Il y aura toujours quelqu’un de disponible pour s’en occuper. Et puis je connais bien cette race puisque ma copine en a un. Avant de prendre un chien, il faut se préparer!», lance-t-il.

Projet d’agrandissement à l’étude

TR • Si la SPA ne manque pas de place pour le moment, elle étudie la possibilité de s’agrandir et de réaliser des travaux. «Nous avons un grand projet dans le pipeline, mais cela pourrait prendre quelques années», précise son directeur Miloud Krammala.

D’autant que l’institution est actuellement sous le feu des projecteurs concernant sa gestion financière. Pour mémoire, en mai, une enquête de la Tribune de Genève a révélé que malgré des «caisses pleines», le refuge investissait dans des obligations au sein de sociétés régulièrement critiquées sur le plan du bien-être animal, notamment des fast-foods et des entreprises pharmaceutiques. Ce qui n’empêche pas la SPA de poursuivre ses campagnes d’appels aux dons, et ce pour «garantir la pérennité de l’association». Interrogés sur ce point, ni le directeur, ni le président de la Fondation SPA Genève n’ont souhaité commenter la situation actuelle.