«Il ne faut surtout pas influencer le bruit mais le comprendre»
Raoul Schrumpf, directeur de la Police du commerce et de lutte contre le travail au noir
Faites du bruit, vous êtes écoutés! Dès la fin du mois de mai en effet, le Département de la sécurité et de l’économie va mettre en place une opération inédite qui devrait faire beaucoup parler d’elle. «Une quarantaine de capteurs de dernière génération vont enregistrer le niveau de la pollution sonore sociale à la rue de l’Ecole-de-Médecine à Plainpalais», révèle Raoul Schrumpf, directeur de la Police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN), qui pilote le projet. But de l’opération? «Doter l’Etat d’une vision objective de l’activité humaine qui dérange», explique-t-il. Avant d’ajouter: «D’ordinaire, on veut éliminer le bruit, là c’est le contraire, on veut qu’il nous parle, qu’il nous informe. Cela n’a jamais été fait.»
Périmètre stratégique
Pour éviter toute cacophonie contestataire, le haut fonctionnaire précise aussitôt. «Ce projet est mené en toute transparence avec les commerçants de la rue qui est une très bonne rue test. C’est en effet un petit périmètre stratégique avec des problématiques sonores diverses comme les terrasses des bistrots et les nombreuses animations de la plaine de Plainpalais à proximité. C’est aussi un lieu de passage très fréquenté notamment les soirs de matches de hockey à la patinoire des Vernets. Au fond, tout le monde crée du bruit et notre tolérance à cette pollution sonore souvent peu visible n’est pas la même. Cris et hurlements peuvent être festifs pour les uns et insupportables pour les autres. Les gens sont aussi plus ou moins à cran en fonction des horaires, des jours et des saisons. C’est pour cela que le dispositif enregistrera les données en flux continu et restera en place pendant douze mois, il s’agit également de comprendre si l’été génère plus de nuisances que l’hiver.»
Respect de la sphère privée
Bonne nouvelle, l’Etat n’est pas resté sourd à la problématique du respect de la sphère privée des citoyens. «Soyons clairs, il ne s’agit surtout pas de fliquer la rue. Aucun capteur n’est relié à la police. Aucun rapport ni sanction ne sont inscrits au programme», promet Raoul Schrumpf. Qui clarifie: «Il ne faut surtout pas influencer le bruit mais le comprendre. Pour cela, il faut que les comportements ne changent pas. Ainsi, les capteurs installés seront discrets, tous les relevés seront anonymes et analysés de manière objective par une start-up indépendante (lire encadré).»
Tranquillité publique
Dans l’immédiat, pas de nouvelle traque aux auteurs de nuisances sonores donc. Mais la volonté de se doter de données scientifiques objectives pour, à terme, renforcer la tranquillité publique. C’est ce que confirme le magistrat Pierre Maudet. «Au carrefour de l’économie et de la sécurité, ce partenariat public-privé concrétise ma volonté d’appréhender en amont le phénomène des nuisances sonores afin d’anticiper les solutions à mettre en œuvre pour améliorer la qualité de vie des riverains», résume-t-il. En attendant ces premières mesures, il y a fort à parier que l’installation des nouveaux capteurs sonores risque de faire pas mal de bruit social... Et pas que du côté de la plaine de Plainpalais.