Lignon: élus et habitants veulent un tour de vis

Plusieurs élus demandent que le conseil municipal verniolan se réunisse en urgence. De nombreux acteurs du quartier veulent des mesures concrètes. Parmi les propositions, installer des caméras et renforcer la présence de la policière.

  • Au 60 avenue du Lignon, les caves sont toujours noircies par la suie. DR

    Au 60 avenue du Lignon, les caves sont toujours noircies par la suie. DR

Une odeur de brûlé persistante, des murs noircis par la suie jusqu’au dernier étage et une entreprise affairée à nettoyer les lieux. Quatre jours après l’incendie d’une cave au Lignon, qui a coûté la vie à une mère de 28 ans et son fils de 13 ans, le quartier porte encore les stigmates de ce nouveau feu dans la commune, notamment après celui qui a ravagé l’école des Ranches la semaine dernière. Lassés, habitants et élus de la commune exigent de mesures pour qu’une telle situation ne se reproduise plus. A la demande de plusieurs partis et d’un élu indépendant, un Conseil municipal pourrait se tenir la semaine prochaine, sans doute jeudi ou vendredi.

Devant le centre commercial, le sujet reste sur toutes les lèvres: de nombreux habitants en ont marre et rêvent de retrouver leur quartier d’antan. «Avant, il n’y avait même pas un papier par terre. Mais la situation actuelle est une honte. Parfois, je crains d’aller dans le parking à cause des groupes de jeunes. Il faut prendre des mesures maintenant!», s’exclame Brigitte, dont la mère de 88 ans habite dans la cité. «Installer des caméras serait une bonne chose pour rassurer tout le quartier et éviter de nouveaux drames», renchérit Wolfgang, un retraité qui vit ici depuis 1968. Pour lui, la fermeture temporaire de certains espaces et l’engagement de nouveaux policiers municipaux seraient également positifs. «Cela ramènerait le calme», espère-t-il. La plupart des riverains croisés, affirment avoir assisté à des départs de feux ces dernières années, parfois allumés par des jeunes. «Il faut encore attendre les conclusions des enquêtes. Mais si cet incendie meurtrier a été allumé par des gamins, ils devront vivre avec ça sur la conscience toute leur vie», regrette Magdalena, une habitante de 30 ans qui envisage de quitter le quartier. «J’ai peur d’être un jour coincée dans mon appartement», témoigne-t-elle.

Ramener le calme

Pour faire face à cette situation intenable, plusieurs élus souhaitent des mesures pour tenter de rassurer la population. C’est notamment le cas du député indépendant Nicolas Aubert, qui fait partie de ceux qui ont poussé en faveur d’une réunion extraordinaire du conseil municipal. «J’attends du conseil administratif qu’il prenne de vraies décisions!», martèle l’élu.

En plus de déployer de nombreuses caméras sur le territoire communal, le député propose la création de nouveaux espaces pour les poubelles en dehors des immeubles, ou encore la condamnation temporaire des caves, le temps que la situation se calme. «Je pense que les habitants sont prêts à l’accepter», plaide-t-il. Enfin, Nicolas Aubert demande un renforcement de la présence policière. «Nous avons besoin d’une poste de police municipale au Lignon! 8000 personnes habitent ici et il n’y a même pas un poste. On ne voit ça nulle part ailleurs en Suisse.»

Dispositif sécuritaire

Même son de cloche à l’UDC et au MCG, qui ont tous les deux publié des communiqués de presse jeudi dernier pour demander du changement. Dans le viseur des deux formations politiques, une approche jugée trop sociale de la mairie. «Depuis des années, le MCG demande que des mesures soient prises pour renforcer le dispositif sécuritaire à Vernier», rappelle notamment le texte. Contacté, le député verniolan Thierry Cerutti estime que le système des correspondants de nuit ne saurait se substituer à l’action des agents municipaux. «Nous déplorons la fermeture du poste du Lignon. Les correspondants de nuit n’ont pas de prérogative répressive. Lorsqu’ils font leurs rondes, les jeunes les envoient souvent bouler. Ce qui est moins évident avec la police municipale.» Solution? Le retour d’un poste au sein du centre commercial. «Les antennes sont très importantes. Elles permettent de marquer la présence de l’autorité et donner ainsi le sentiment que nous sommes présents sur le territoire».

Une approche partagée par l’UDC, pour lequel d’autres solutions existent également. Notamment dans le cas de l’école des Ranches, dont le préau pourrait être fermé la nuit. Une motion a notamment été déposée en ce sens l’année dernière. «La proposition de motion est restée lettre morte, la majorité rose verte estimant que les préaux scolaires devaient, même la nuit, rester “des lieux de rencontre protégés“ pour des “jeunes qui refont le monde“, déplore le communiqué de presse.

Pas de coupes dans les effectifs de police municipale?

Interrogé sur les réactions du MCG et de UDC, quant aux effectifs de la police municipale et plus généralement à l’action des autorités exécutives, le conseiller administratif de Vernier Martin Staub, à la tête de la cohésion sociale, se défend. «Il est absolument faux de prétendre que le conseil administratif a opéré des coupes claires dans les effectifs de sa police municipale (lire encadré).

Plus largement, mis en cause pour avoir son approche sociale, en privilégiant les correspondants de nuit, Martin Staub tient également à répondre. «Les acteurs de terrain (police municipale et cantonale, travailleurs sociaux, etc.) et les habitants soulignent le rôle tenu par ces correspondants pour la tranquillité et la prévention du bruit, mais aussi des incivilités. Il est à noter que la Ville de Genève a repris le dispositif en test et va maintenant l’étendre! Nous en reparlerons une fois le temps politique venu. Toutefois, je suis absolument choqué que les communiqués de presse ne montrent pas la moindre compassion à l’égard des victimes de l’incendie du Lignon et de leurs proches.»

Pas de coupe dans la police?

TR • Accusé d’avoir procédé à des coupes dans la police municipale, Martin Staub réfute. «Nous avons augmenté le nombre d’agents sur le terrain. Nous avons jusqu’à 15 agents déployés en simultané contre 12 il y a quelques années. Et c’est sans compter la création d’un poste d’îlotier vert, qui est chargé spécifiquement de la prévention et répression liée aux déchets et du retrait d’un certain nombre de tâches administratives qui étaient précédemment dévolues aux agents», précise l’élu.

Quelle sécurité à Vernier? L'éditorial d'Adelita Genoud

L’incendie au Lignon qui a coûté la vie à un enfant de treize ans et sa jeune maman a légitimement suscité au sein de la population une vague d’émotion en même temps que de l’incompréhension et de nombreuses interrogations. Le drame est - infernale loi des séries - survenu juste après qu’un feu ne détruise partiellement une école de Vernier. Incompréhension tout d’abord: comment le feu a-t-il pu se propager si vite, générer autant de fumée, sachant la rapidité avec laquelle le Service de secours et d’incendie (SIS) intervient sur les lieux d’un sinistre. Interrogations ensuite: l’origine du feu est-elle accidentelle ou intentionnelle? Les premiers communiqués officiels ont affirmé qu’aucune piste ne pouvait être écartée. En attendant, les deux affaires réveillent un vieux démon. Celui d’une sécurité défaillante, disent les uns ou d’un sentiment d’insécurité tempèrent les autres.

Voilà donc la commune verniolane et singulièrement, le quartier du Lignon, dans une nouvelle tourmente. Pourtant, après la succession d’incendies qui s’étaient déclarés ces dernières années, les propriétaires des tours avaient adopté des mesures pour tenter d’enrayer le fléau, tandis que l’Exécutif communal dépêchait des correspondants de nuit - autrement dit des médiateurs - formés à canaliser les débordements de quelques fauteurs de troubles. Soit, mais sans vouloir emboîter le pas de ceux qui réclament une quasi «mise sous cloche» du quartier, les autorités communales ne sauraient s’exempter d’un geste fort et concret. Résultera-t-il de la réunion urgente du Conseil municipal requise par plusieurs formations politiques de la Ville?