«Nous avons été accueillis chez notre fils. D’autres locataires n’ont pas cette chance» Un habitant du 24 rue des Bossons
«Qu’allons-nous faire? Rester cloîtrés chez nous parce que nous n’aurons plus d’ascenseur durant deux mois? Qui ira promener Médor? Qui fera nos commissions? Qui descendra nos poubelles et les déchets triés? Qui se préoccupe de notre santé, des locataires dont un est à moitié aveugle, l’autre en chaise roulante ou se déplaçant avec un déambulateur?» Une dizaine de locataires habitant dans un immeuble de neuf étages au 24 rue des Bossons, à Onex, est au bord de la crise de nerfs. Et pour cause, la majorité, âgée entre 75 et 90 ans, est privée d’ascenseur depuis le 15 janvier. Les travaux de remplacement du lift vétuste sont prévus pour sept semaines, soit jusqu’à début mars prochain. Si tout va bien.
Chaises repos par étage
«La régie a bien installé une chaise par étage pour nous permettre de reprendre notre souffle, mais tout de même, c’est du foutage de gueule», s’exaspère un locataire les traits tirés. Avant d’ajouter. «Ma voisine a un problème au cœur. Elle a des grosses difficultés!» Et son épouse de s’énerver: «Il paraît qu’on aura droit à une baisse de loyer de 2% par étage. Mais on n’a pas été averti. Pour nous, qui vivons au 8e cela représenterait 50 francs. Ridicule!»
Agacé par tant de contraintes, un couple d’octogénaire a finalement décidé de quitter son quatre-pièces durant les deux mois de travaux. «Nous avons été accueillis chez notre fils. D’autres locataires n’ont pas cette chance.»
Aveugle, handicapés
André, pour sa part, âgé de 78 ans, a le sentiment d’être pris en otage par la régie: «Personne n’a été relogé. Exceptés deux locataires: une femme hospitalisée a obtenu le droit de prolonger son séjour; une autre a pu rejoindre, provisoirement, son mari à l’EMS. Nous, nous devons nous débrouiller, nous faire livrer nos repas et nos commissions. C’est un scandale!»
Réserves de guerre
Un nonagénaire bougonne: «Depuis le 15 janvier, je ne bouge pas de chez moi. J’ai fait mes réserves de guerre, rempli mes placards de riz, pâtes, huile, eau. Mon congélateur est aussi plein à craquer. Quant à mes poubelles, je ne me gêne pas, je les laisse derrière ma porte.» Lucide, l’alerte locataire avoue qu’il n’hésitera pas non plus, le cas échéant, à demander une consultation médicale à domicile s’il est trop fatigué pour se rendre à ses trois rendez-vous hebdomadaires. Et, s’il le faut, il enverra les factures à la régie.
144 marches
«Les résidents font peine à voir», renchérit un quadragénaire, l’un des plus jeunes locataires, qui, pour sa part, se tape quotidiennement les 144 marches avec son petit chien âgé, qu’il porte dans les bras, pour parvenir au 9e étage. «Il y a cette veuve qui se déplace à l’aide d’une canne, ce monsieur dans une chaise roulante et un autre en déambulateur. C’est pitoyable de voir ça en Suisse!»
Même le cabinet médical d’un neurologue, installé au 2e, subit de plein fouet la situation: «Nous avons modifié notre planning en devant parfois nous rendre chez nos patients, avoue l’assistante médicale. La plupart sont en chaise roulante et les escaliers en colimaçon, très étroits, n’aident pas. Au pire, ce sera à nous d’aider nos patients à monter.» Au 24 rue des Bossons, l’enfer ne fait que commencer… et transforme un paisible immeuble locatif en véritable tour infernale.