«La méditation de pleine conscience est un apprentissage pour piloter son bateau en pleine tempête»
Sarah Petitpierre, instructrice à la méditation de pleine conscience
Il n’y a pas que pour les élèves que les leçons ont repris. A la prison aussi, des détenus – et des gardiens – ont pu recommencer, à la rentrée, des cours de méditation. Ce lundi matin, au deuxième étage de Champ-Dollon, des prisonniers (dix au maximum) pénètrent dans la salle réservée à la méditation de pleine conscience. L’instructrice formée par la Haute école de santé et l’Université de Genève, s’appelle Sarah Petitpierre. Elle porte une alarme autour du cou. «Mais il n’y a jamais eu de souci», constate l’ancienne visiteuse de prison qui a œuvré onze ans pour le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). C’est elle qui a fait entrer la «discipline» à Champ-Dollon.
Une première à Genève et en Suisse alors que la méditation, sous des formes différentes, se pratique dans de nombreuses prisons de par le monde (lire ci-dessous). Ici, dans cette salle de Champ-Dollon, pas de bougie ni de musique orientale. Juste des tapis de sport, quelques coussins. «L’incarcération, la privation de liberté, engendrent du stress», constate Sarah Petitpierre qui travaille, elle le sait, avec des «cas parfois lourds», des détenus qui vont passer des années derrière les barreaux. Son objectif? Contribuer à leur réintégration sociale, «puisqu’un jour ils sortiront. En très résumé, il s’agit de cultiver une sorte de bienveillance par rapport à soi. Le passé, c’est terminé. Le futur? On n’en sait rien. On ne peut agir que dans le présent. Pour prendre une image, la méditation de pleine conscience est un apprentissage pour piloter son bateau en pleine tempête.»
Processus strict de sélection
Concrètement, pour les prisonniers, la démarche doit être volontaire. «Les validations de la direction de la prison et du service médical pénitentiaire sont nécessaires, poursuit Sarah Petitpierre. Je valide moi aussi en fonction de leur motivation.» Le processus d’apprentissage se construit sur 27 séances et les détenus doivent s’engager à faire leurs exercices à raison de 45 minutes par jour. S’ils ne viennent pas quatre fois de suite au cours, ils sont exclus.
C’est en 2014, en lisant la presse évoquant les rixes et les des problèmes de surpopulation carcérale que la Genevoise a eu l’idée de faire entrer cette technique de développement personnel derrière les barreaux. La direction de Champ-Dollon est intéressée par le projet, des sponsors aussi. Car la pleine conscience en prison est entièrement financée par des privés. «C’est la société civile, notamment la Loterie romande, qui aide le système carcéral, ce n’est pas tout à fait courant. Et il n’est pas facile de trouver des fonds», relève Sarah Petitpierre. Depuis quatre ans, 120 détenus ont suivi les séances.
Objectif atteint
Fabrizio Bervini, directeur de Champ-Dollon constate «le bénéfice indirect de la méditation sur le personnel grâce à une certaine stabilisation des détenus. En ce sens, l’objectif est atteint.» Maintenant, il faut aussi se souvenir qu’à la base, le projet intégrait aussi – pas en même temps que les prisonniers – des collaborateurs de la prison. Jusqu’ici, ils ne se sont pas bousculés au portillon mais les cours ont repris début septembre. «C’est une nouvelle culture de la vie professionnelle qui doit faire son chemin!», ajoute Fabrizio Bervini. D’expérience pilote lancée en 2014, la méditation est devenue partie intégrante de la vie carcérale et existe dorénavant dans trois autres établissements pénitentiaires genevois comme la Brenaz, Villars et la Clairière.