Bonfanti: «Je suis inquiète»

- Des policiers, agents de sécurité et un cadre sont accusés de vols, escroquerie, corruption et pornographie.
- Pour la commandante de la police, cette succession d’affaires pénales ternit l’image des forces de l’ordre.
- Me Robert Assaël, avocat de policiers incriminés, évoque un acharnement de la justice. Réactions croisées.

  • Monica Bonfanti rappelle que  la majorité  des procédures ouvertes n’aboutit  pas à une condamnation. F. HALLER

    Monica Bonfanti rappelle que la majorité des procédures ouvertes n’aboutit pas à une condamnation. F. HALLER

«J’ai rappelé aux policiers que la camaraderie c’est d’abord et surtout de veiller sur son collègue et de le soutenir» Monica Bonfanti, commandante de la police

Les policiers genevois perdraient-ils les pédales? Auraient-ils oublié leur devoir d’exemplarité? Depuis le début de l’année, pas moins de six affaires de dysfonctionnement des forces de l’ordre ont défrayé la chronique. L’Inspection générale des services (IGS), sous la conduite du procureur général Olivier Jornot, a en effet passé à la moulinette des affaires de vols, d’escroquerie (GHI 28.02.18), de corruption, d’abus d’autorité, d’usages abusif de la contrainte et de pornographie, impliquant des policiers, agents de sécurité et un cadre de la police judiciaire (lire encadré ci-dessous). Une série noire qui inquiète Monica Bonfanti, commandante de la police. Interview.

GHI: Comment réagissez-vous face à ces enquêtes successives?

Monica Bonfanti: En préambule, je me dois de préciser que les affaires dont vous parlez sont en instruction et que la présomption d’innocence est de mise comme pour tout citoyen. Reste que cette succession de cas m’a bien entendu inquiétée. Ces affaires seraient tout autant préoccupantes même échelonnées dans le temps. Il est évident que leur conjonction nuit à l’image de notre institution, alors que notre dernier diagnostic local de sécurité (ndlr: sondage auprès de la population) mettait notamment en évidence une amélioration. Le plus important est que tout comportement inapproprié soit traité.

 

– Y aurait-il un relâchement, une perte de confiance envers la hiérarchie?

– Après avoir consulté les membres de mon état-major ainsi que l’IGS, j’estime qu’on ne peut pas parler de relâchement. Quant à la perte de confiance envers la hiérarchie, j’estime qu’il n’y a pas de lien avec ces affaires.

– Ces affaires impliquent-elles davantage de contrôle à l’interne?

– Au-delà d’un contrôle interne, j’ai rappelé aux policiers que la camaraderie, c’est d’abord et surtout de veiller sur son collège et de le soutenir. Pour l’allégorie, j’ai rappelé qu’au sein d’une équipe cheminant sur un sentier escarpé, un de ses membres doit toujours craindre l’écart fatal. Son chef, son équipier et ses subordonnés en sont responsables et empêcheront, par la fermeté de leur emprise, qu’il ne tombe de la montagne.

 

– Faut-il craindre des failles dans le recrutement?

– Non. Il faut évidemment et avant tout porter une attention particulière à la sélection des candidats qui souhaitent s’engager. En matière de recrutement, des exigences élevées sont requises en termes d’aptitudes psychologiques et de moralité.

– Concrètement, quels sont les moyens mis en œuvre pour lutter contre ces comportements déviants?

– La mise en place de plusieurs mesures s’impose. Durant la formation de base, qui dure une année, près d’un tiers des matières enseignées concerne la psychologie et l’éthique policière ainsi que les droits de l’homme. Par la suite, durant sa carrière, le policier est astreint à suivre des cours de comportements professionnels et de déontologie.

 

– Statistiquement, le nombre d’affaires impliquant des policiers est-il en augmentation?

– Non. Les chiffres sont en baisse. En 2016, il y a eu 66 cas, contre 91 cas en 2017 (75 cas en 2014et 74 et 2015). La récente succession d’affaires est donc inquiétante. En revanche, et c’est important de le souligner, nous n’avons pas d’augmentation de fonctionnaires «délinquants» condamnés dans les rangs de la police.

– Ces affaires finissent-elles par des condamnations?

– La majorité des affaires traitées n’ont pas de suite pénale. L’étude du bilan final de 2014 a en effet démontré que 86% des procédures pénales ouvertes contre des agents n’ont pas abouti à une condamnation.

Série noire: Les "bourdes" sous enquête

ChZ• Depuis fin 2017, six affaires impliquant des policiers, assistants de sécurité publique et un cadre de la Police judiciaire, font l’objet d’enquêtes.

La montre: arrêté, incarcéré, puis remis en liberté provisoire, un policier est impliqué dans l’affaire du vol d’une montre de luxe au Salon international de la Haute-Horlogerie. L’homme clame son innocence.

Le cannabis: trois gendarmes ont emporté des plants de cannabis servant de pièces à conviction au poste de Blandonnet. Ils ont par la suite rendu le butin expliquant avoir agi après leur service et après avoir bu quelques verres.

La voiture: un agent de la police internationale est soupçonné d’escroquerie à l’assurance pour le vol de sa BMW (GHI 15.03.18). Il nie les faits.

L’abus d’autorité: le No 2 de la PJ est suspendu de ses fonctions. Il est prévenu d’abus d’autorité, de contrainte et d’entrave à l’action pénale.

Films pornos: un ASP, prévenu d’abus d’autorité et pornographie pour avoir montré un film X à une fonctionnaire d’Etat, a été écarté de ses fonctions.

Le mendiant: l’affaire des films X a permis à la police des polices de découvrir que cet agent a filmé un collègue s’emparant du gobelet d’un mendiant.