Conseillers d’Etat condamnés: la fin de la retraite à vie...

GRAND CONSEIL • Un projet de loi demande la suppression des pensions à vie et une forte diminution des indemnités de départ pour les magistrats condamnés dans l’exercice de leur fonction. Explications.

  • Les débats ne seront pas de tout repos. 123RF/HAVESEEN

    Les débats ne seront pas de tout repos. 123RF/HAVESEEN

«Un conseiller d’Etat condamné pénalement pour un délit ou un crime dans l’exercice de ses fonctions ne devrait pas pouvoir bénéficier d’une pension à vie, ni même d’une indemnité de départ pleine», avance, avec détermination, le député Jean Batou. Pour en finir avec le système actuel, l’élu d’Ensemble à Gauche a déposé un texte parlementaire qui vise à modifier en profondeur la loi sur le traitement et la retraite des conseillers d’Etat (LTRCE).

Aux frais du contribuable

Dans son viseur, le conseiller d’Etat Pierre Maudet mais pas seulement. «La loi octroie une pension à vie après huit ans de magistrature. Mon projet supprime ce versement viager en cas de condamnation et réduit de moitié les indemnités de départ si le mandat a duré moins de huit ans, résume Jean Batou. Cette nouvelle règle s’appliquerait également au chancelier ou à la chancelière d’Etat. Il est en effet incompréhensible qu’un élu de l’Exécutif cantonal, condamné dans l’exercice de ses fonctions, soit traité comme les autres.»

Pour mémoire, une information de la RTS notait que si Pierre Maudet, jeune quadragénaire, quittait son poste de conseiller d’Etat avant le 29 juin 2019, il bénéficierait d’une indemnité de départ de 437’802 francs. Après cette date, il aurait droit à une pension annuelle à vie de plus de 7000 francs par mois. «Le tout aux frais du contribuable», s’étrangle Jean Batou qui veille aussi à ce que les élus condamnés ne passent pas entre les mailles du filet en jouant sur le calendrier. «Ces nouvelles dispositions s’appliqueraient rétroactivement même si l’élu a déjà quitté son poste au moment de la condamnation», prévient-il. Avant de conclure: «Bien entendu, le magistrat serait contraint de rembourser les indemnités perçues en trop!»

Débat polémique

Pour l’heure, et sans surprise, la proposition de réforme est largement soutenue par Thomas Wenger, chef de groupe socialiste au Grand Conseil. «On attend d’un conseiller d’Etat de l’intégrité et de la probité, il est donc parfaitement normal qu’en cas de condamnation pénale dans l’exercice de ses fonctions toute rente à vie et des indemnités pleines lui soient retirées.»

Tout autre son de cloche du côté du député UDC Thomas Bläsi. «On ne m’empêchera pas de penser qu’il y a dans ce projet de loi de l’opportunisme politique. Même si l’exemple doit venir d’en haut, particulièrement en période de crise, on ne peut pas réformer nos institutions à chaque balbutiement de l’affaire Maudet. L’agitation ne permet pas le temps de la réflexion et la distance nécessaire. Ce n’est donc pas le moment de remettre en cause un système qui a efficacement protégé les institutions de tout dérapage jusqu’à présent.»

On le voit, remettre en cause le principe de la pension à vie et des indemnités de départ des magistrats reste un sujet tabou et à fort potentiel polémique. Autant dire que les débats sur la question risquent d’être très émotionnels et animés lors des prochaines sessions du Grand Conseil.