A Genève, la «tropicalisation» chasse faune et flore locales

Le bouleversement climatique attire de nouveaux insectes comme le frelon asiatique et le moustique tigre. Les arbres souffrent de la canicule et certaines essences pourraient disparaître du paysage genevois. Les experts du Service des espaces verts de la Ville misent sur des espèces plus résistantes.

  • Le réchauffement climatique entraîne l’arrivée de nouvelles espèces, parfois très colorées, sous nos latitudes. 123 RF

    Le réchauffement climatique entraîne l’arrivée de nouvelles espèces, parfois très colorées, sous nos latitudes. 123 RF

En cette fin de mois de juillet, la canicule, fait transpirer Genève. Résultats: des pelouses jaunies, des rivières presque à sec et une terre craquelée. Mais aussi des conséquences négatives sur les animaux, dont certains ne résistent plus au manque d’eau. De quoi contraindre les services chargés d’aménager et de surveiller nos espaces verts à s’adapter et trouver des alternatives, mais aussi d’anticiper la venue de nouvelles espèces.

Au bout du lac, la Ville de Genève se dit obligée de composer avec ces problématiques pour ses plantations, d’arbres notamment. «Les températures plus hautes et la sécheresse favorisent certaines maladies et certains ravageurs. C’est par exemple le cas de la suie d’érable, un champignon microscopique», détaille Caroline Paquet-Vannier, dendrologue au Service des espaces verts (SEVE). A Genève, plusieurs arbres ont été abattus pour cette raison, des érables planes et des érables sycomores. Autre espèce touchée: le charme lui aussi victime d’un champignon, l’anthostoma, une maladie favorisée par le réchauffement climatique.

Résistants au gel

En réponse, le SEVE tente de miser sur des espèces qui résistent mieux aux canicules mais qui sont tout de même résistantes au gel. Peu de chance donc de retrouver des cocotiers sur la plaine de Plainpalais ces prochaines années. Parmi les pistes explorées: les espèces d’altitude méditerranéennes, qui correspondent relativement bien à notre climat. «Nous continuons à avoir des extrêmes de températures. Ainsi, nous n’allons par exemple pas nous tourner vers le citronnier ou d’autres espèces gélives, qui ne peuvent pas s’adapter», précise le SEVE.

Mais ce n'est pas si simple. Pour la Municipalité, l’enjeu est de savoir comment on s’adapte au climat actuel et au climat futur. «Même si on a des simulations avec des modèles d’évolution, on voit que cela va peut-être plus vite que ce qu’on pouvait penser. Et puis, il est difficile de savoir comment telle ou telle espèce va réagir à nos latitudes», détaille Caroline Paquet-Vannier.

Une problématique que l’on retrouve à Lausanne, où le Service des parcs et domaines se penche lui aussi sur ces questions en raison des épisodes de sécheresse prolongés. «De nouvelles pistes sont étudiées et mises en œuvre. Il s’agit de l’utilisation des espèces indigènes qui supportent les milieux secs, tels que le chêne pubescent, le sorbier terminal ou l’érable à feuille d’orbier», répond la Ville. Qui ajoute également qu’elle cherche à obtenir des arbres dont les semences sont issues de niches climatiques proches de celles que Lausanne connaîtra à la fin du 21e siècle.

A quoi ressemblera-t-il? Pour les autorités, le futur du climat lausannois s’apparentera à celui de la région de Zagreb, la capitale croate. «Nous sélectionnons aussi des espèces naturellement présentes dans la région méditerranéenne, les Balkans et le sud-est de l’Europe. Quelques exemples: le chêne de Hongrie, le platane d’Orient ou l’aulne de Corse», indique le Service des parcs et domaines vaudois.

A noter que ces questions ont récemment été abordées à l’occasion d’une exposition temporaire au Musée historique de Lausanne, qui s’intéressait au rapport entre nature et cité à travers l’histoire et les évolutions actuelles.

Animaux touchés

Aux premières lignes de ces différents changements, les animaux, dont plusieurs espèces vivent elles aussi mal la hausse des températures. Si on connaît tous l’exemple emblématique de l’ours polaire, en voie d’extinction, on pense moins aux poissons de chez nous, dont certains sont eux aussi en difficulté. C’est notamment le cas des ombres et des truites, qui pourraient disparaître des rivières de plaines d’après plusieurs experts. Au mois de mars, le directeur de la Maison de la Rivière à Tolochenaz, Jean-François Rubin, affirmait n’avoir jamais vu aussi peu d’eau dans les ruisseaux à l’ouverture de la pêche, ce qui pousse les pêcheurs à monter en altitude pour trouver des proies.

Une réalité également observée à Genève, où plusieurs espèces pourraient disparaitre. C’est le cas de la fauvette hypolaïs ictérine, un petit oiseau à tête noire et dont un cousin a inspiré des noms de rues. Mais aussi le lézard des souches, qui vit dans les poches humides à Versoix, dans les bois de Jussy et Satigny. «A Genève, nous sommes dans une grande cuvette chaude. A terme, ces animaux risquent de quitter le territoire», explique Gottlieb Dandliker, inspecteur de la Faune pour le Canton.

Mais tout n’est pas noir pour autant. Car si certaines s’en vont, d’autres espèces – elles – font progressivement leur apparition dans la région. C’est le cas du guêpier, un oiseau multicolore venu des pays méditerranéens, dont plusieurs couples ont été observés ces dernières années à Genève et à Lausanne. Mais aussi des cigales, qu’on entend de plus en plus en été. «Nous n’allons pas nous transformer en Sahara, prévoit Gottlieb Dandliker. D’ici quelques années, nous ressembleront plutôt à Lyon ou à Valence.»

Peu de risques donc de voir débarquer et s’installer des cobras ou des scorpions dans un avenir proche. Ce qui n’empêche pas les services de l’inspecteur cantonal de suivre de près les animaux venus de l’étranger et qui ont élu domicile chez nous, le plus souvent ramenés par des voyageurs ou lors de transports de marchandises.

Parmi eux, deux posent particulièrement problème car elles proviennent d’autres continents: le moustique tigre et le frelon asiatique, dont les populations explosent cette année. «Si le réchauffement climatique n’est pas la cause de leur présence, il y contribue en offrant de meilleures conditions aux nouveaux venus», prévient le spécialiste. Qui redoute que dans un futur proche le moustique tigre ne devienne un vrai fléau.