Coût de l’électricité: "Genève reste le canton romand le moins cher"

ÉNERGIE  • Pour les SIG, la seule façon de garder la main sur les prix, c’est d’accélérer la production locale.

Le coup de chaud sur la facture électrique suisse dès 2024 n’épargne pas Genève. Pourtant, le canton du bout du lac sort mieux que les autres son épingle du jeu. L’éclairage de Christian Brunier, directeur général des Services industriels de Genève (SIG).

GHI: L’an prochain, la facture électrique sera majorée de 18%. Concrètement, comment cette hausse sera-t-elle répercutée?
Christian Brunier: Il faut d’emblée préciser que sur les 18% de hausse, 5% sont affectés à la réserve requise par Berne. Dès lors, pour un appartement de 3 pièces, le montant passera d’environ 33 francs par mois à 39 et pour un appartement de 6 pièces, d’environ 91 à 107 francs.
Les augmentations ne sont pas uniformes à l’échelle suisse. Où Genève se situe-t-il?
Le tarif global de l’électricité (taxes comprises) à Genève est d’une part le moins cher des cantons romands et d’autre part, le deuxième moins cher parmi les cantons suisses (2e sur 26 après Nidwald).
Comment cela s’explique-t-il?
Nous pratiquons une politique d’approvisionnement prudente. Nous achetons à la fois à long et court terme pour diversifier notre portefeuille et agir directement sur les coûts. Toutefois pour la consommation 2024, nous nous sommes approvisionnés sur les marchés entre 2021 et 2023, c’est ce qui explique pour partie l’augmentation des prix. En outre, notre mandat est d’optimiser et non de spéculer. La frontière entre ces deux objectifs est certes ténue mais notre stratégie est assurément de ne pas réaliser des bénéfices au détriment des particuliers et des entreprises du canton.
Les prix vont-ils continuer à prendre l’ascenseur?
Trop petits producteurs, nous sommes malheureusement, en tant que distributeurs, tributaires des marchés. En clair, ceux qui fixent les prix sont les grands producteurs d’énergie comme l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétroles) ou la Russie. Dans la hausse tarifaire, il y a d’autres éléments qui s’inscrivent comme l’utilisation du réseau du transporteur national Swissgrid qui indexe ses prix de 15% et la hausse des taxes cantonales fixées sur la base du coût de l’énergie.
Quels sont les leviers pour contenir les risques constants d’augmentation?
Il faut économiser les énergies et viser une plus grande autonomie. Aujourd’hui, notre production hydraulique représente 40% des besoins de la clientèle au tarif régulé. Genève n’a pas de capacités importantes à développer cette ressource. Mais nous pouvons produire davantage d’énergie solaire pour passer d’un peu plus de 3% aujourd’hui à 15% en 2030. Parmi les 400 grandes entreprises du canton, 200 sont entrées dans le programme d’économies d’énergie; les autres doivent franchir le pas pour diminuer leur empreinte écologique et leurs factures. Nous nous heurtons à un problème: les entreprises de panneaux solaires n’arrivent plus à suivre le rythme des commandes. A cet égard, nous travaillons avec les hautes écoles, l’EPFL, l’Université et les milieux de la formation pour combler le manque de personnel qualifié. Quant aux éoliennes, Genève, jugé trop exigu jusqu’à lors, pourrait voir prochainement l’implantation de 5 à 10 structures. GeniLac  (pompage de l’eau du Léman permettant de rafraîchir les bâtiments en été et les chauffer l’hiver ) alimente la Genève internationale et se développe. La géothermie est aussi une source à exploiter davantage afin de gagner en indépendance. Pour ce basculement vers des énergies renouvelables, nous bénéficions – contrairement aux régies d’autres cantons – de 20 millions émanant de l’Etat de Genève.
Et les économies?
Notre programme Eco21 qui permet aux ménages, entreprises, collectivités, régies/propriétaires de réaliser des économies substantielles continue à faire des émules. En 2022, nous avons permis à nos clients de réduire leur note de 43 millions. Et nous avons effacé la consommation électrique de 87’000 ménages.
Y a-t-il un risque réel de pénurie cet hiver?
Je reste confiant même si des événements mondiaux peuvent soudainement déstabiliser le marché.